Article écrit en collaboration avec Jérôme Heumann, Expert TVA de HTVA
Le 16 juin 2023, la Suisse a franchi une étape importante dans la réforme de sa législation sur la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) avec l’adoption par les Chambres fédérales d’une révision partielle de la LTVA. Cette réforme inclut la mise en œuvre de plusieurs propositions parlementaires visant à moderniser et simplifier le système de TVA pour les entreprises et les consommateurs.
Le Conseil fédéral fixera la date d’entrée en vigueur de la LTVA révisée et de l’OTVA modifiée, actuellement prévue pour le 1er janvier 2025. Toutefois, il reste incertain si ce délai pourra être respecté. En cas de retard, son introduction sera reportée à une date ultérieure.
Plusieurs modifications clés vont conduire aux changements suivants :
La révision du système de TVA concerne aussi l’Ordonnance sur la TVA (OTVA) portant notamment sur les taux de la dette fiscale nette (TDFN) et les taux forfaitaires (TAF). Nous évoquerons le détail de ces mesures dans un prochain article.
Pour les professionnels de la comptabilité et les étudiants, cette révision de la LTVA représente une évolution dont il faudra tenir compte à l’avenir, impliquant une adaptation aux nouvelles règles et certains changements dans leur pratique fiscale.
Cet article propose une synthèse de ces modifications et des conseils pratiques à mettre en œuvre pour préparer au mieux les changements à venir.
Depuis 2019, et selon le droit encore actuellement en vigueur, les entreprises de vente par correspondance étrangères effectuant des livraisons de biens en Suisse sont soumises à l’obligation de s’inscrire à la TVA si elles génèrent un chiffre d’affaires annuel d’au moins 100 000 CHF à partir de « petits envois » exemptés de l’impôt sur les importations (art. 7 al. 3 let. b LTVA).
Cette mesure visait à établir une concurrence équitable entre les entreprises locales et internationales. Cependant, l’efficacité de cette réglementation a été limitée, comme en témoigne le faible nombre d’entreprises étrangères enregistrées auprès de l’Administration Fédérale des Contributions (AFC).
À compter du 1er janvier 2025, les entreprises de vente par correspondance étrangères qui répondent à la définition de « plateforme numérique », c’est-à-dire qui mettent en relation des vendeurs et des acheteurs dans le cadre de la livraison de biens en Suisse (art. 3 let. l P-LTVA), auront l’obligation de s’assujettir à la TVA quel que soit leur CA annuel. L’ensemble des plateformes numériques étrangères est dorénavant concerné, sans distinction de chiffre d’affaires.
Le non-respect de la règlementation pourra aller jusqu’à l’interdiction d’importation de biens ou, en dernier recours, à leur destruction.
Le nouveau droit inclut également une obligation pour les plateformes numériques de divulguer des informations sur les vendeurs utilisant leur service, ce qui simplifiera l’identification des assujettis à la TVA, notamment dans les secteurs des transports et de l’hébergement (art. 73 al. 2 let. e P-LTVA).
Bien que cette réglementation vise aussi les services, elle se limite actuellement aux livraisons de biens. Les plateformes majeures proposant du contenu numérique sont déjà considérées comme fournisseurs de services et ne sont pas affectées par ce changement. Pour d’autres services, tels que l’hébergement ou les activités de loisirs, aucune modification des règles existantes n’est justifiée, surtout lorsque les prestations sont fournies sur le territoire suisse, facilitant ainsi l’accès et le contrôle par l’AFC.
Pour les praticiens de la comptabilité et les étudiants, il est essentiel de comprendre les implications de ces changements et de se préparer en conséquence. Cette préparation en amont garantira non seulement le respect des nouvelles réglementations mais aussi la pérennité et la compétitivité des entreprises sur le marché suisse en constante évolution.
Il est impératif pour les praticiens de la comptabilité et les étudiants d’intégrer ces changements dans leur pratique professionnelle et leur parcours d’apprentissage pour rester à la pointe de la réglementation fiscale suisse.
Voici les points sur lesquels il faudra s’interroger :
La notion de subvention a toujours fait couler beaucoup d’encre et a fait l’objet de nombreuses jurisprudences rendues par les tribunaux suisses permettant de délimiter si on se trouve dans le cadre d’une subvention ou non.
La subvention est versée par une collectivité publique (Confédération, canton ou commune) à un tiers pour une prestation donnée qui est considérée d’intérêt public, dont les bénéficiaires sont aisément identifiés. Dans les cas de figure où une tâche prescrite par la loi est réalisée par le tiers à la place de la collectivité sans bénéficiaire désigné, la délimitation entre subvention et règlement de prestation de service devient plus difficile à déterminer. La nécessaire analyse au cas par cas applicable à ce jour est très complexe à mener dans la pratique.
À compter du 1er janvier 2025, les collectivités devront donc expressément désigner les versements considérés comme des subventions ou autres contributions de droit public à leurs destinataires qui pourront ainsi appliquer le traitement comptable adéquat. (art. 29 al. 2 P-OTVA). Cette mesure vise à clarifier et simplifier le traitement fiscal des subventions et renforce la sécurité juridique pour les acteurs qui bénéficient d’aides financières publiques pour mener à bien leurs tâches d’intérêt public.
Pour les praticiens de la comptabilité et les étudiants, il est essentiel de comprendre les implications de ces changements et de se préparer en conséquence. Voici les points sur lesquels il faudra s’interroger :
La récente révision partielle de la législation sur la TVA apporte des ajustements sur la liste des exceptions à l’imposition à la TVA. La liste complète des modifications à prévoir est consultable sur le site de l’administration fiscale Loi sur la TVA avec modifications à partir de 2025.
Dans le cadre de cet article, nous citerons deux modifications importantes par leur valeur sociétale :
Pour les professionnels de la comptabilité et les étudiants, nous vous conseillons de vous tenir à jour sur les modifications de ces chiffres et d’identifier si vos clients sont concernés en fonction de leur secteur d’activité.
Les sociétés dont le CA ne dépasse pas CHF 5 005 000,- pourront solliciter auprès de l’AFC le passage à une déclaration de leur TVA de manière annuelle et non plus trimestrielle/semestrielle. Cette demande doit être adressée à l’AFC en début de période fiscale et être approuvée par celle-ci.
Ces sociétés seront soumises à des acomptes périodiques adressés par l’AFC basés sur l’exercice antérieur. Une fois par an, elles adresseront leur décompte annuel de régularisation.
Les assujettis ne s’acquittant pas de leurs obligations (défaut de paiement, non remise du décompte etc.) pourront se voir refuser le passage au décompte TVA annuel.
Selon les estimations, cette nouveauté semble pouvoir s’appliquer à 94% des assujettis. L’objectif de cette mesure est de réduire le travail administratif des entreprises.
Le passage au décompte annuel requiert toutefois d’importantes mises à jour informatiques, qui pourraient retarder sa mise en œuvre. C’est pourquoi la date d’entrée en vigueur au 1er janvier 2025 est susceptible d’être retardée.
La modification de la LTVA prévue au 1er janvier 2025 requiert une attention particulière de la part des professionnels comptables en exercice ou en devenir. Cette veille législative fait d’ailleurs partie des habitudes de travail à mettre en place pour une pratique professionnelle qualifiée. Le non-respect de la règlementation fiscale par méconnaissance des textes n’en atténue pas les implications.
Face à la complexité du sujet, professionnels de la comptabilité et entreprises sont parfois démunis. Se faire accompagner par des experts et se former (et s’informer) reste le bon reflexe à adopter en cas de difficultés ou de questionnements. Ingesco n’a d’ailleurs pas hésité à solliciter Jérôme Heumann pour l’accompagner dans la rédaction de cet article.